La correspondance militaire de Paul Vaseux (1)

 

Nous publions à partir de ce jour la correspondance d'un jeune mayennais de la classe 1909. Ces lettres ont été initialement publiées dans le quotidien "L'Echo de la Mayenne" entre le 24 avril et le 9 juin 1915. Ce témoignage ne diffère guère de ceux déja publiés en grand nombre. Mais il est emprunt d'une simplicité et d'un humanisme bien particulier. Paul Pierre Ernest François Vaseux est né le 6 janvier 1889 dans le vilage de Beaumont Pied-de-Boeuf, non loin de Château Gontier. 

 

 

 

Il est l'aîné d'une famille de quatre enfants : Jules (né en 1891), Marie-Louise (née en 1892), et Ernest (né en 1897). Ses parents sont des gens modestes. Son père, Pierre, né en 1854, est cantonnier communal. Sa mère, Marie, née Bodreau en 1856, exerce le métier de journalière. Nous ne possèdons pas de photographie de Paul. Sa fiche matricule le décrit blond, les yeux bleus et mesurant 1m67.

A l'issue de ses premières années de scolarisation, Paul fut gagé comme pâtre dans une ferme du pays. Son curé le prit en charge et le fit étudier. Après ses années de collège à l'immaculée-Conception de Laval, Paul, devançant l'appel, s'engage pour 3 ans le 28 septembre 1907. Il est affecté au 131e régiment d'infanterie d'Orléans. Intelligent et sérieux, Paul gravit rapidement les échelons : caporal en 1908, sergent en 1909, sergent-major en 1913.

Cette année là, un drame personnel va bouleverser sa vie : sa mère Marie décède brutalement le 11 décembre. On verra qu'il mentionne souvent le souvenir de sa mère dans les lettres qu'il envoie à sa famille.

Malgré tout, lorsque sonne l'heure du conflit, Paul reste optimiste. Il est affecté à la compagnie hors rang ce qui explique qu'il ne voit les premiers combats qu'avec distance.

 

 

2 août 1914 (minuit)

 

« L'heure grave a sonné et je serais peut être déjà loin lorsque vous recevrez ce petit mot. Les événements de ces derniers jours ont amené le conflit qui semblait inévitable depuis déjà quelques années, et c'est moi qui aurai l'honneur de vous représenter près du drapeau.
Soyez certains que je ferai de mon mieux pour aider dans ma petite sphère à assurer la victoire.

Que Dieu nous assiste et couronne de succès cette gigantesque entreprise ! »

 

 

Orléans, 4 août (minuit)

 

« Je profite de quelques minutes qui me restent avant notre départ pour vous dire un dernier mot. Je suis presque content de partir, tellement ses deux jours de préparation m'ont paru absorbants et pénibles. Personne ne peut se faire une idée de ce qui se passe dans des moments pareils...

Que sera demain pour nous ? Dieu seul le sait et je me remets complètement à lui. Je suis prêt et j'ai fait de mon mieux pour préparer tout le matériel de mon unité ; j'ai voulu aussi et surtout me préparer à paraître devant Dieu. J'ai l'âme contente, je suis tranquille et tout le reste me paraît bien peu.

Je pars demain matin, 5 août, à 5 heures. Où allons-nous ? Personne ne le sait. Nous nous confions aveuglément et avec confiance à nos chefs. Puissent-ils nous conduire à la victoire. La victoire, nous la payerons facilement et avec plaisir de notre vie.

C'est l'anéantissement de la France ou un accroissement de sa puissance et de sa gloire qui se joue en ce moment. C'est la liberté si chère à tous que nous allons défendre que Dieu nous assiste dans cette campagne.

Ah si maman était là encore comme elle aurait peur, et comme elle pleurerait Bonne petite mère ! Puisse-t-elle me guider et me secourir plus encore pendant cette période qu'en tout autre moment ! Et toi, père chéri, que vas-tu devenir ! Prends courage et accepte avec résignation les faits qui se produiront et pense à l'avenir. Mon meilleur souvenir à tous ceux que j'ai connus et auxquels j'envoie un au revoir bien sincère. Courage et espoir voilà mon dernier mot pour ce soir. Il est une heure et je cours me coucher car à quatre heures il faudra être debout pour partir. Priez pour maman et pour moi chaque jour. »

 

 

 

 

 

Le 131e régiment d'infanterie quitte Orléans le 5 août 1914 sous le commandement du colonel Fourest.

 

 

Nogent-sur-Seine, 5 août 1914 (5h30)

 

« Nous venons d'arriver ici après avoir parcouru les charmants pays de Seine-et-Marne. Tout le long du chemin nous trouvons une population affable et pleine d'égards. Les voies ferrées sont garnies de femmes, d'enfants, de vieillards qui viennent nous souhaiter la victoire, nous encourager, et on sent combien tous les cœurs sont unis. On ressent une impression profonde, les larmes viennent souvent vitrer nos yeux, le cœur est en pleurs et cependant pleind'espérance.

Tous le long du chemin nous rencontrons les camarades d'autres régiments. Un seul espoir domine nos sentiments. Nous sommes persuadés du bon résultat de la campagne qui commence, et nous faisons le sacrifice de notre vie pour ce bon résultat.

Tout a été très bien combiné. Les voies ferrées sont gardées par les vieux qui semblent nous dire :  « Marchez courageusement. Le pays vous jugera et attend de vous une plus grande liberté ».

Le bruit des premières victoires nous arrive déjà aux oreilles et ne peut que confirmer nos espérances et notre désir de vaincre coûte que coûte. L'abnégation si dure soit-elle, sera acceptée avec la plus grande résignation.

J'ai remis mes destinées en Dieu. Qu'il me conduise et fasse de moi ce qu'il voudra. S'il veut que je reste, les balles passeront autour de moi sans me toucher. Si au contraire, il me demande le sacrifice de ma vie, j'irai rejoindre ma mère et lui dire que nous attendons tous le jour de la réunion parfaite au séjour du bonheur. Nous nous dirigeons en ce moment sur Troyes où nous arriverons vers 7 heures. Là une commission nous fera conduire sur le terrain d'opérations où on a besoin de nous : Nancy, Belfort ou Epinal. Alors commencera la rude besogne. Mais soyez certains que rien ne nous rebutera, nous irons jusqu'à ce que nos jambes refusent de nous porter ».

 

 

Sources :

 

- Historique du 131e régiment d'infanterie

- Dossier de Paul Vaseux SHD Terre GR 5 ye 113961

- Liste des recensements de la population, AD de la Mayenne (Archives en ligne)

- Echo de la Mayenne, AD de la Mayenne  1 PE 34/73

- Extraits d'état civil, mairie de Beaumont-Pied-de-Boeuf (53)

 

APPEL : Nous recherchons les descendants de Paul Vaseux dans l'espoir d'éclairer davantage cette correspondance familiale. N'hésitez pas à nous contacter si vous êtes de la famille ou si vous possedez des informations à ce sujet. D'avance merci.

 

 

 



27/07/2012
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