Sur les traces d'un tirailleur mayennais ...
La série 419 J des Archives Départementales de la Mayenne conserve pieusement quelques livrets militaires de classes bien diverses. L'un d'eux a retenu notre attention par deux documents qui y sont joints : un titre de permission datant de juin 1914 et une lettre manuscrite d'août 1914.
Le détenteur de ce livret est Auguste Fortin, né le 14 février 1893 à Saint-Gault, canton de Château Gontier. Il est dit cultivateur et pupille de l'assistance publique de la Mayenne. En 1913, il réside à Maisoncelles près de Meslay-du-Maine.
Jeune soldat appelé au service armé, il est dirigé le 4 décembre 1913 sur le 3e régiment de tirailleurs basé en Algérie. En août 1913, auguste Fortin passe au 7e régiment de tirailleurs nouvellement constitué avec des éléments empruntés au 3e. Si l'on s'en tient aux mentions figurant sur le livret, auguste appartient à la 11e compagnie du 3e bataillon. A la mobilisation, le 3e bataillon tient garnison en Algérie.
Dès la déclaration de guerre, le 3/7 passe immédiatement au 3e régiment de tirailleurs pour former le 3e régiment de marche de tirailleurs.
1 - Le titre de permission
Celui porte l'entête du 19e corps d'armée, division de Constantine, 3e brigade. Il est tamponné 7e régiment de tirailleurs indigènes unité à laquelle appartient auguste avant son versement au 3e RMT. Il y est fait mention de son unité, la 11e compagnie, détachement de Biskra, à 400 km au sud-est d'Alger.
Auguste vient d'obtenir une permission de 30 jours pour rejoindre Laval. Il y demeurera quai Paul Boudet, probablement chez ses oncle et tante à qui il adressera une lettre en août. Le document est daté du 25 juin 1914 et est dressé à Biskra.
Le chef de bataillon Peyron précise qu'Auguste s'est acquitté d'un somme de 7 francs 50 représentant la moitié du prix du transport au tarif commercial, pour la traversée de Philippeville à Marseille et retour, comme passager de 4e classe sans vivres.
Auguste Fortin embarque à Philippeville le 29 juin 1914 et met pied à terre à Marseille Saint-Charles le lendemain. Son arrivée à Laval le 8 juillet 1914 est visé par le major de la garnison.
Le retour se déroulera comme prévu : débarquement à Philippeville le 31 juillet 1914 puis départ sur Biskra le 1er août via chemin de fer.
2 – La lettre
Celle-ci est datée du 10 août 1914 et écrite à Aix-en-Provence. Embarqué le 5 août à Alger, le 3/7 débarquait à Cette le 7 août puis gagnait Aix sous les ordres du chef de Bataillon Peyron. Il ne quittera la ville que le 13 août 1914 pour être transporté en Belgique.
A la date du 16 août 1914, la 11e compagnie est commandé par le capitaine Ferry. Le lieutenant Laguiller et le lieutenant indigène Bouanani sont les deux autres officiers de l'unité.
Cette lettre, très émouvante, est rédigée simplement, dans un français approximatif qui nous rend auguste plus proche.
« Aix le 10 août 1914,
Cher oncle et chère tante,
C'est en ce moment que je mes la main a la plume pour vous donner de mes nouvels qui sont toujour tres bonnes pour le moment. Je pense que vous êtes de même.
J'ai beaucoup tarder a vous écrire mais je ne pouvait écrire plutot car quand je suis arriver a Biskra nous sommes partis a Souskaras. Et de cette ville nous sommes partie a Alger pour dela débarqué en France. Nous avons débarqué a cette et dela nous sommes venus a Aix. Maintenant nous parton sur la frontier.
Je pense que mon Oncle nira pas sur la frontier car il doit toujour faire son même service. Faut espérer que tout iras bien car les français sont entré en prusse. Nous dans quatre ou cinq jours nous esserons (?) .
Dans les ville ou nous passons nous sommes fété et nous sommes accueillie au chant de la Marseillaise. Le long des voies nous voyons des foules de personnes. Dans la gare les bonne gens nous apporte du vin du pain et de tout ce qu'il nous faut. J'espère que tout le long de notre voillage jusqu'à la frontier ce ce ras de même.
Mes ce qu'il y a de plu embetan nous ne pouvons visiter les villes.
Je ne vois pas grand chose a vous marquer pour le moment car je de vient fou avec tout ce voillage.
Enfin en brasser bien mon Oncle pour moi car je nais pas hue le bonneur de lui serai la main au paravant de partir. Je l'ai vue sur la voie mais je nai pas plu lui serrait la main.
Enfin une bonne santé a tous je vous écrirait quand je serait plu loin.
Je termine en vous embrassent tous bien fort.
Votre Neveu
Auguste Fortin
Voici la dresse que le capitaine nous a dit de mète
Auguste Fortin
37e division
téhatre d'opération du Nord est
3e régiment marche de tirailleurs
Par Orange
a suivre
ne mété pas de timbre car nous somme en guerre ».
Auguste Fortin viendra mourir à l'hôpital auxiliaire N°63 à St Genis-Laval dans le Rhone, le 27 avril 1917, de maladie suite de blessure de guerre.
Nous ne connaissons pas le lieu de sa sépulture définitive.
Sources :
- Archives Départementales de la Mayenne, cote 419 J
- Historique du 7e régiment de tirailleurs Algériens
- JMO du 3e RMT dans la série 26 N SHD Terre