Andechy 1914


Un nom sur une photo ...

 

 

 

 

En 2010 lors de la parution de notre ouvrage « La Mayenne dans la Grande Guerre » nous avions publié la photographie d'un anonyme en tenue du 130e RI. Il y a quelques semaines, monsieur Jacques Dufour a reconnu son grand-père, Joseph Dufour, sous les traits de notre inconnu et nous a gentiment envoyé les documents en sa possession qui relatent le parcours de son parent. Qu'il en soit ici chaleureusement remercié.

 

 

 

 

Joseph Dufour est né le 9 février 1881 au Horps. Il est mentionné comme étant domestique au moment de son incorporation en 1904. Sa mère, Anne Lambert, est à cette date, décédée.

Il est ajourné en 1902 puis 1903 au titre de l'article 21 (aîné de deux frères faisant partie du même appel). Joseph effectue son service national au 130e RI de Mayenne et est renvoyé dans la disponibilité en septembre 1905. Il accomplit deux périodes d'exercices de réserviste en 1908 et 1911.

 

 

 

 

 

 

Rappelé au service actif par le décret de mobilisation, Joseph Dufour rejoint le 130e régiment d'infanterie le 12 août 1914 pour gagner le front le 26 août 1914. Il a fort heureusement échappé aux batailles de Mangiennes et Virton.

Joseph Dufour est engagé à Andéchy le 4 novembre 1914 où il est blessé par éclat de balle à la fesse gauche. Cette blessure lui vaudra une réforme ordonnée par la commission de Vannes. Il est définitivement rayé des contrôles le 5 août 1915.

Joseph obtiendra la Médaille Militaire en 1920 avec la citation suivante : « Bon et brave soldat, s'est montré en toute circonstances dévoué et consciencieux. A été blessé très grièvement en se portant à l'assaut du village d'Andéchy le 4 novembre 1914 ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 


03/02/2013
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La mort de l'abbé Bertrand 2e partie

 

Nous avons déjà évoqué ici la fin tragique du lieutenant Bertrand, commandant la 5e compagnie du 124e RI lors de l'attaque d'Andéchy. Voici le témoignage du soldat Robert envoyé au curé de Saint-Germain-de-Coulamer peu après les combats et qui relate dans le détail ce que furent les dernières minutes du prêtre-soldat.

 

 

« Vous me demandez à quelle heure M. le lieutenant Bertrand a été blessé. Il était environ 10 heures du matin lorsque la compagnie est partie en avant. Le lieutenant était à droite de ma section qui est la première. Nous étions sur la droite le long de la route de Guerbigny à Andéchy, à 400 m des tranchées, à 600 mètres d'Andéchy, à 30 mètres de la route. Les balles et les obus tombaient à torrents. Vers midi, le lieutenant était à côté de moi, à ma gauche, couché sur le ventre, les bras croisés devant sa tête, et son sac sur la tête. Tout à coup, j'ai reçu de la terre en pleine figure. Je dis au lieutenant : « Nous ne sommes toujours pas encore morts, cette fois-ci ». A ce moment, il lève la tête et me dit : « C'est toi mon pauvre Robert, qui est là ? ». Je réponds :  « oui, mon lieutenant ». Il me dit : « Mon pauvre ami, emporte moi, je suis blessé ». Je lève la tête et me retourne vers lui. Le sang sortait gros comme le petit doigt provenant d'une balle qui lui a traversé la tête juste au milieu du front, un peu au dessus. A ce moment, je demande à un de mes camarades de l'emporter. Ce camarade, lui aussi, est tué, le pauvre malheureux, mais à ce moment, il n'avait rien. Il lève la tête, me regarde, et n'a pas osé se lever à cause des balles qui pleuvaient à torrent. A ce moment le lieutenant me dit : « Je suis perdu. Va dire au commandant, que le lieutenant V et moi sommes blessés ». Il fait alors demi tour à quatre pieds sur les mains et les genoux en me disant : « Mon pauvre Robert, je vois bien je vois bien que je suis perdu. Je vais aller pendant que je vais pouvoir ». Il a fait peut être dix mètres comme cela, moi le suivant à quatre pieds aussi. Voyant qu'il perdait trop de sang, je l'arrête. Je coupe les courroies de son sac, je lui couche la tête dessus et je lui fais son pansement. Je prends mon pansement que j'avais dans la poche de ma capote. Mais comme le sang jaillissait malgré cela, je lui ai lié la tête avec ma serviette de toilette. Là, le sang s'est tout de même collé. Je lui ai parlé, il ne m'a pas répondu. Comme l'on me visait toujours, je me suis couché à côté de lui. A ce moment, il râlait. J'ai été environ vingt minutes à côté de lui. Voyant qu'à ce temps il ne faisait plus signe de vie, là, je l'ai laissé. L'on m'a dit, le soir, que quelqu'un l'avait encore entendu. Pour moi, c'est faux. Nous sommes retournés le chercher, le soir. Il était bien mort. Le pauvre homme, c'était un père de famille pour nous ».

 

 

 

Un autre homme du 124 raconte à sa mère les funérailles de l'officier derrière la ligne de front.

 

 

« Nous avions comme lieutenant un prêtre nommé Bertrand. Il était sergent de réserve à la 6e compagnie, au début de la campagne. Il était devenu adjudant, sous-lieutenant, lieutenant à la 5e et était proposé pour le grade de capitaine. C'était un excellent garçon, très gentil et très aimé, d'une bravoure à toute épreuve. Le 4 novembre à l'attaque d'Andéchy, il fut tué.

Nous avons assisté aujourd'hui (7 novembre), à son enterrement dans le petit cimetière de Guerbigny. Je n'ai jamais assisté à une cérémonie aussi impressionnante. Toute la compagnie y était en armes, sans compter de nombreux autres soldats et des officiers. Il y eut un service religieux à l'église. Des bouquets avaient été disposés sur son cercueil. Nous l'avons conduit au cimetière. Un prêtre a fait un petit discours fort impressionnant, d'autant plus impressionnant que des batteries tiraient à ce moment sur des positions allemandes, et qu'on entendait le ronflement des obus sur nos têtes. Un officier de la 6e a fait également un discours.

Beaucoup de soldat pleuraient. Un vieux décoré de 1870 s'essuyait les yeux avec son mouchoir. Des habitants de la localité étaient venus assister à la cérémonie.

Ce spectacle m'a tellement impressionné qu'aussitôt arrivé au cantonnement où nous sommes rentré aujourd'hui, je me suis empressé de vous le raconter ».

 

 

 Sources :

 

- Semaine religieuse du Diocèse de Laval 1914

 

 

 

 


18/02/2012
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4 novembre 1914 : la mort du lieutenant Bertrand

     

 

 

 

 

Parmi les officiers tués le 4 novembre 1914 lors de l'attaque d'Andechy, figure le lieutenant auguste Bertrand du 124e RI. Né le 11 mars 1888 à Saint-Ellier-du-Maine, près de Montaudin, il est le fils de constant Bertrand, l'épicier du bourg, et de françoise Guérin son épouse. Il est le dernier enfant d'une famille qui en compte trois, après sa sœur ainée constance et son frère francisque.

Auguste Bertrand fut professeur à l'Immaculée Conception et vicaire à Saint-Germain-de-Coulamer. Il est mobilisé comme sergent au 124e RI. Nommé sous-lieutenant en septembre 1914.

 

Pour l'occasion, il écrivait à un ami le 20 septembre 1914 (le 124e quitte alors le secteur de Moulin-sous-Touvent) :

« Ce dimanche 20 (?) je suis retiré après un long séjour dans les tranchées mouillées , à l'est de X... Je suis retiré jusque derrière X. J'ai reçu, hier soir, vos trois lettres du 27, 29,30, une d'A... et c'est tout. Depuis X, j'ai peu écrit. Je vois par le Bulletin que vous avez su que je suis sous-lieutenant. Le régiment a eu des pertes nouvelles mais utiles, l'autre jour, derrière l'Aisne. Des morts à côté de moi : je n'ai rien eu. Dieu me garde, bien sûr. Mon tour viendra, c'est le sort de beaucoup. Je l'envisage avec sérénité... Nous voulons la victoire, mais la paix victorieuse sera bonne...

Le Père Dassonville est avec nous depuis huit jours.

Un deuil à vous annoncer : hier, j'ai perdu mon sac, mon bon vieux sac qui m'avait gardé tant de fois, qui contenait tout mon avoir en linge et papiers (journal, notes, quelques lettres et adresses etc...). J'ai été volé et suis ennuyé comme d'une grosse perte. Vous y perdez vous même deux lettres toutes faites...

Je reçois enfin un mot de mon frère au 330e. Il doit être … Vivant encore le 30 août. Bonjour à … Pas de nouvelles de … depuis le 28. Adressez toujours par Laval. Ça viendra … quoique lentement. A Dieu... »

 

 

Depuis quelques mois, il commandait la 5e compagnie. Au soir du 3 novembre, le lieutenant Bertrand avait déclaré à un adjudant, abbé lui aussi, séminariste de Saint-Sulpice : « Si l'attaque ne s'est pas faite plus tôt, c'est que nous, qui sommes en 1ère ligne, nous avons déclaré que c'était impossible. En tout cas, c'est un risque tout ». L'adjudant sera blessé lors de l'opération, une jambe cassée, l'autre trouée d'une balle.

 

Le 4 novembre 1914 à 10h45, l'officier s'élançait sur la plaine menant à Andechy suivi de ses hommes. Le 2/124 avançait rapidement puis se trouvait bloqué au sol par des feux violents.

Vers midi, le lieutenant Bertrand faisait un bond en avant à la tête de sa compagnie (5e/124). Un obus tomba non loin de lui, l'abattant ainsi que cinq ou six de ses hommes. L'éclat l'avait atteint à la tête, presque en même temps une balle l'atteignit au côté gauche, traversant de part en part son livret militaire, qu'il avait dans sa poche intérieure.

C'était une avalanche de balles et d'obus. Les hommes étaient couchés au sol.

 

Un homme de sa compagnie, Pierre Robert, de l'hôtel du Lion d'Or à Meslay-du-Maine, proposa à son voisin d'emporter le lieutenant. Celui-ci refusa devant le danger. Le soldat Robert n'hésita pas, se mit à genoux, coupa les courroies du sac de l'officier et lui fit un pansement à la tête. Les deux hommes se trouvait sous les rafales de projectiles. Robert dut probablement abandonner son chef lorsque le 124e se replia.

 

Un blessé croit avoir entendu l'officier râler jusqu'à 5 h00. L'aumônier Dassonville dira qu'il dut entrer dans le coma très rapidement.

L'aumônier s'était porté sur une ambulance dès le début de l'action. C'est un blessé qui lui rapporta que le lieutenant Bertrand venait d'être touché. Le soir, accompagné d'un soldat, il se mit à la recherche de l'officier. Il trouva le corps largement éclairé par le clair de lune. Il le reconnu assez facilement. Il était déjà tard. Le corps était à peine refroidi. Ce n'est que dans la nuit du 6 au 7 que son cadavre peut être enlevé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans une lettre à un ami, l'aumônier Dassonville écrivait :

« Monsieur le curé,

J'ai la grande douleur de vous annoncer la mort du brave lieutenant et si pieux abbé Bertrand. Il est tombé dans cette attaque d'Andechy dont les journaux vous ont parlé, à la tête de ses hommes. Je l'ai vu sur le champs de bataille, le soir même, à 11h00. On vient de nous ramener sa dépouille à laquelle les hommes ont rendu les honneurs spontanément. Ce soir, sa compagnie viendra des tranchées, et nous lui feront des obsèques plus solennelles. Comme officier, il aura un cercueil et sa tombe sera surmontée d'une croix au cimetière de Guerbigny (Somme). Excusez-moi de remettre à plus tard de vous donner des détails. Je suis assez occupé pour le moment au lendemain d'une pareille bataille. Que le lieutenant continue de bénir ses hommes. Il avait dit sa messe les trois jours précédents, le quatrième, c'est sa vie qu'il a offerte en sacrifice. Je me recommande à vos prières. Votre très dévoué en N. -S.

Frère Dassonville , aumônier.

 

 

Le lieutenant Bertrand eut des funérailles émouvantes. L'abbé Salles aumônier du 130e, y assistait :

« Vous me parlez de M. l'abbé Bertrand dont je garde bien douce souvenance. Je lui avais causé plusieurs fois à Guerbigny ; son allure si vive, sa parole si nette et si franche m'avait gagné du premier coup.

Quel bon cœur, me disais-je, comme il doit bien enlever ses hommes. Il les a entraîné au siège d'Andechy et n'en est jamais revenu. Ce que l'on peut dire de plus glorieux à sa mémoire est gravé dans le cœur de ses hommes qui ont fait des prodiges de désintéressement et de courage pour le retirer du champ de bataille.

Je vois encore l'attitude grave, religieuse, consternée des soldats qui lui rendaient les honneurs militaires ; je me rappelle mon émotion, l'émotion de tous lorsque le Père Dassonville nous parlait du cœur de prêtre et du cœur de soldat qui battait dans la poitrine du lieutenant Bertrand. Il n'est pas possible que Dieu ne nous rende en grâces miséricordieuses l'holocauste de pareilles victimes. »

 

Sur sa vieille terre de Mayenne, le service funèbre eut lieu le lundi 23 novembre 1914 dans l'église de Saint-Germain-de-Coulamer, décorée de draperies sombres et de trophées de drapeaux. Le mercredi suivant, ce fut en l'église de Saint-Ellier.

 

Son corps repose aujourd'hui dans la Nécropole Nationale « Lihons », N° 1187.

 

 

Le lieutenant Bertrand fut cité à l'ordre de l'armée en date du 5 août 1915 : « A été dès les premiers combats un modèle d'entrain, d'énergie et de bravoure. Nommé officier au commencement de septembre 1914, a commandé une compagnie pendant un mois. Le 4 novembre 1914 à Andechy, a été mortellement blessé en entraînant ses hommes à l'attaque des positions ennemies, fortement organisées. »

 

 

Sources :

 

- L'Echo de la Mayenne, AD de la Mayenne 1 Pe 34/72 et 73

- JMO du 124e RI, SHD Terre série 26 N

 

Merci à Michel Martin pour la photographie de la sépulture du lieutenant Bertrand


20/08/2011
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Visite de Maurice Barrès au 124

 

 

 

 

 

Voici l'article que Maurice Barrès publia dans l'Echo de Paris daté du 23 novembre 1914 et qui relate sa visite du 15 novembre devant les positions du 124e face à Andechy. Tout y reste volontairement vague, censure oblige. Rien évidemment sur l'hécatombe de l'attaque du 4.

Les 1/124 et 2/124 occupent alternativement le sous-secteur allant de la route Guerbigny/Andechy, au ravin situé au sud-est du bois 94. Le 3/124 s'établit au ravin sud, second sous-secteur, avec grande tranchée sur le plateau partant du ravin et descendant vers le moulin.

 

Alfred Joubaire évoque rapidement l'anecdote : 

« Lundi 23 novembre - (…) Le soir arrive un nouveau colonel, le colonel D... Il a l'air très gentil. Je lui donne « l'Echo de Paris », un article de Maurice Barrès sur nos tranchées qu'il est venu visiter. »

 

René Prud'homme est plus critique :

« Un jour nous eûmes la visite de Maurice Barrès qui publia un article dans son journal quelques temps après. Sa gazette fut vendue aux tranchées : Les Saints de France, me semble-t-il. C'était palpitant. Mais monsieur Barrès n'avait pas vu grand-chose. »

 

On trouve trace de cette visite dans un seul JMO. Celui de la direction du Service de Santé du 4e CA, à la date du 17 novembre 1914 :

« Journée du 16 novembre - (…)  M. Barrès, député, qui est venu passer la journée d'hier à Davenescourt où il est venu voir le général Böelle, son ami, a pu se rendre compte ce matin de la rapidité des secours en voyant ces blessés dans le service de M. Lenormand à Montdidier où je l'ai conduis»

 

 

 

 

 

 

 

Sources :

 

- JMO 26 N 113

- Gallica.bnf.fr

- Alfred Joubaire, Pour la France, Perrin 1917

- Le fusil et le pinceau, souvenirs de René Prud'homme du 124e RI, Alan Sutton


15/08/2011
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L'attaque du 4 novembre 1914

 

Depuis le début du mois d'octobre 1914, la 15e brigade (124e et 130e RI) veille sur le front de Somme. C'est la fin de la guerre de mouvement. Le 124 s'établit à l'est de Guerbigny, le 130 occupe le secteur d'Erches.

Le 4 novembre 1914, le 4e CA monte une attaque contre la ligne côte 94/Andechy sur la demande du général d'Infreville commandant la 8e DI. Les troupes désignées sont la 15e brigade, les 102 et 103e RI, l'AD8 et une partie de l'AC4.

 

La 15e brigade fera mouvement par régiments accolés : le 124e RI attaquera entre la route Guerbigny/Andechy et le ravin au S.O d'Andechy ; le 130 au nord de cette dernière, route incluse.

Ils auront pour objectifs les lisières ouest et sud-ouest d'Andechy et les tranchées qui les précèdent.

Un bataillon du 130 (le 3/130 du capitaine Baulmer) sera en réserve de division dans le ravin à l'ouest du bois 94. Un bataillon du 124 (le 3/124 du cdt Moriceau) sera en réserve de brigade dans le ravin au nord du bois 94.

Le 102e RI attaquera la lisière sud d'Andechy en partant du ravin de l'Avre dans la zone comprise entre le ravin sud-ouest et le bois situé au nord-est du moulin.

L'action partira des tranchées/abris établies par le génie en avant du front. Les tranchées de 1ere ligne désignées pour le 130 sont occupées par 2 bataillons du 315e RI. Celles du 124 par 2 bataillons du 317e RI. Pendant l'exécution, le 1/130 se tiendra en relation étroite avec le 124e RI attaquant par le ravin de la côte 94.

Le 1/130 se porte à 5h00 dans une tranchée incomplètement terminée et construite la veille par le génie. Trois compagnies seulement peuvent y tenir.

Le 124e est en position depuis 3h00 du matin.

Vers Andechy et Villers-lès-Roye c'est une plaine à larges ondulations coupées de boqueteaux1

 

 

 

 

Fond de carte SHD Terre 26 N 109

 

 

 

L'opération doit débuter par un matraquage intense de l'artillerie sur les positions allemandes. Le feu des pièces françaises et le mouvement en avant de l'infanterie doivent se déclencher simultanément. L'action doit être brusque. L'heure d'attaque d'abord fixée à 7h00 doit être retardée en raison d'un épais brouillard. Une éclaircie à 10h30 permet de lancer l'opération. Une violente canonnade d'une ½ heure s'abat sur le village et les tranchées ennemies. Les batteries du 31e RAC sont reliées téléphoniquement avec les tranchées de 1ere ligne des 124 et 130e RI. Elles doivent allonger leurs tirs progressivement pour former un barrage.

 

 

A 10h45, les 2 bataillons du 130 sortent de leurs tranchées. Le bataillon Manet (2e) se place à gauche du bataillon De La Chenelière (1er). L'infanterie avance rapidement jusqu'à 600 m du village d'Andechy. Des feux partant des tranchées des lisières ouest et sud d'Andechy obligent les hommes à avancer en rampant. Ils atteignent une ligne à 300m des lisières du village. La gauche du 130e RI donne même l'assaut quoique prise de flanc par des tirs provenant de la côte 98. Le commandant Manet charge à la baïonnette sur la lisière du village mais subit des pertes considérables.

 

A 10h45, les 2 bataillons du 124e RI sont eux aussi sortis de leurs tranchées à environ 1200 m d'Andechy: le 1er (Lambert) à droite, le 2eme (Letondot) à gauche. Le 1er bataillon est rapidement bloqué par des feux puissants. Mais le 2e bataillon progresse lui jusqu'à 400 m du village. Un vide dangereux se produit entre les deux unités qu'il faut rapidement combler avec des compagnies de réserve. Sous le feu des positions allemandes, le mouvement s'essouffle. Les hommes ne progressent plus que par 3 ou 4 s'avançant jusqu'à 300 m de la commune. Un afflux de blessés légers se dessine.

 

 

 

 

Le Sous-lieutenant Jean Strasser. Natif de Paris.

Littéralement éventré lors de l'attaque, il décèdera à l'ambulance N°6 de Warsy.

 

 

 

A 16h30, on forme à la hâte un bataillon d'assaut avec des compagnies de réserve. Il est lancé à l'attaque d'Andechy par le général de brigade, à cheval sur la route Guerbigny/Andechy en vue d'effectuer un mouvement général de ligne. Le mouvement en avant est repris par toutes les unités engagées.

Les 2/124 et 3/124 s'élancent sur la ferme modèle, le 1/124 sur la maison rouge. Le capitaine Frey (9e) réussit, par le nord-est, à pénétrer dans une ferme mais doit se replier. Le capitaine De Kerguénec (4e) parviendra à maintenir son unité à 150 m de la maison rouge jusqu'à 20h00.

 

L'assaut est tenté en divers points mais il échoue devant les réseaux de fils de fer. Un recul de la ligne se produit. Le 124 vient se reformer dans le ravin à l'ouest du bois 94 sauf le 3e bataillon qui reste en devant des lignes. Le commandant Moriceau (3/124) réussit à maintenir une centaine d'hommes à 400 m du village. Les unités se mélangent. La situation est des plus confuses. Une partie du 130 reste avec le 3/124 à porté de main d'Andechy. L'autre partie rejoint le 315e RI dans les tranchées de départ. A la nuit, ces éléments avancés ne peuvent tenir sous un feu concentrique et se replient eux aussi. Le commandant Moriceau doit se retirer vers 5h00, la situation étant intenable au jour naissant.

Les sections de sapeurs désignées pour couper les réseaux de fils de fer ont continuellement progressé avec l'infanterie mais n'ont pu accomplir leur mission.

 

 

 

Capitaine Castieau augustin. Natif de Rouen.

 

 

 

Le 124e RI a un officier tué (lieutenant Bertrand 5e cie), 3 disparus (chef de bataillon Lambert, capitaines Castieau et Fourtier) et 10 blessés. 638 hommes sont tués ou blessés.

 

Le 130e RI a perdu dans cette journée 678 hommes, tués, blessés et disparus ; 15 officiers dont 1 tué (lieutenant François). Le chef de bataillon De La Chenelière, les sous-lieutenant Lefebvre, Strasser et Duplan, mourront des suites de leurs blessures. Le commandant Manet souffre d'une fracture de la cuisse.

 

 

 

 

Capitaine Fourtier pierre. Natif de Saint-Brieuc.

 

 

Les pertes totales s'élèvent à 1287 blessés. Les postes de secours des 124e et 130e sont établis autour de Guerbigny : dans le village même, au moulin situé à l'est, dans les carrières au nord et sur la route Guerbigny/Andechy.

Les ambulances de la 8e DI stationnent à Arvillers (N°1), Davenescourt (N°5) et Warsy (N°6). Cette dernière a été installée entre 15h00 et 16h00 et a reçu la grande majorité des hommes touchés compte tenu de sa proximité. On les loge au château, à l'église et dans une grange. Dans la nuit, les brancardiers de corps s'avancent jusqu'à 200m des tranchées d'Andechy et relèvent les blessés dans les champs de betteraves.

 

Le relèvement des blessés effectué par les brancardiers ne se terminera que le lendemain vers 6h00. Les véhicules de transport du 4e CA ne suffisent pas pour transporter les éclopés. On demande alors le concours des voitures de l'hôpital de Montdidier et de formations sanitaires anglaises et américaines. A 5h00, il ne reste plus que 80 blessés non évacués mais ceux-ci sont pansés et groupés à Guerbigny. Environ 1900 hommes seront ainsi évacués entre 14h00 le 4 novembre et 8h00 le 5. Quant aux inhumations, celles-ci sont faites par les unités elles mêmes mais la tâche est difficile car la plupart des cadavres sont restés entre les tranchées françaises et allemandes.

 

 

 

 

 

 

1Alfred Joubaire, Pour la France, Perrin 1917

 

Sources :

 

- JMO des unités concernées dans la série 26 N

- Historiques des 124 et 130e RI


12/08/2011
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